Des vidéos sur TikTok qui transforment l’enseignement
« Je crois que notre façon d’enseigner a changé. J’espère que les échanges et l’interaction occuperont une plus grande place. »
Anna Blakney se dandine devant un écran vert tout en montrant une image de membrane cellulaire. Sur quelques mouvements de cancan, elle pointe du doigt le texte qui s’affiche sur l’image et explique la différence entre les anticorps développés à la suite d’une infection et ceux acquis par la vaccination. Elle bat des mains et lève le poing pendant que de l’information sur la protéine de spicule du virus de la COVID-19 s’affiche.
Voilà ce à quoi ressemblerait un cours d’initiation à la biologie s’il était donné dans une boîte de nuit.
Bien sûr, Mme Blakney n’enseigne pas sa matière sur une piste de danse. Elle crée une vidéo qu’elle publiera sur TikTok, une application de réseautage social très à la mode chez les jeunes. Mme Blakney a créé des centaines de vidéos semblables, qui expliquent des concepts scientifiques en 60 secondes. Dans l’une d’elles, elle rappelle à ses abonnés de garder leurs masques propres en les lavant « aussi souvent que leurs sous-vêtements ». Dans une autre, elle incline la tête de gauche à droite en répondant à des questions sur le système solaire, la classification périodique des éléments et le grossissement, lors d’un jeu-questionnaire scientifique.
Au départ, cette professeure de génie biomédical à l’Université de la Colombie-Britannique a été attirée par l’accessibilité et l’instantanéité de TikTok. Elle a téléchargé l’application en octobre 2020 dans le cadre de sa participation à Team Halo, un collectif international de scientifiques créé afin de répondre aux questions du public sur la vaccination contre la COVID-19. Aujourd’hui, plus de 215 000 personnes suivent son compte TikTok, dont ses étudiants.
La création de vidéos a eu un effet inattendu : elle a offert à Mme Blakney plus d’occasions de communiquer avec sa classe. Alors qu’elle recrutait des étudiants pour son laboratoire, chaque candidat lui a parlé de son compte TikTok. « À ma grande surprise, chacun d’entre eux a mentionné mon compte. »
@anna.blakneyWhat is RNA?? ##teamhalo ##learnontiktok ##RNA ♬ original sound – Dr. Anna Blakney
Nettement plus décontractées que les cours universitaires magistraux (Mme Blakney rit à l’idée de danser dans ses cours de premier cycle), les vidéos TikTok lui ont appris à être plus concise et plus créative. « Savoir expliquer les choses à l’aide de termes faciles à comprendre est une compétence très utile, indique Mme Blakney. Plus on connaît la science, plus on a de la difficulté à l’expliquer. Les scientifiques oublient parfois que tout le monde n’a pas les mêmes connaissances qu’eux. »
Même si TikTok ne s’est pas encore imposé dans son plan de cours, Mme Blakney espère que les compétences qu’elle a acquises en créant des vidéos de vulgarisation scientifique efficaces se fraieront un chemin jusqu’à la classe, surtout dans les cours en ligne. « Il peut y avoir une présentation de 20 minutes que les étudiants regardent à l’avance, suivie d’une séance interactive durant le cours proprement dit. Je crois que notre façon d’enseigner a changé. J’espère que les échanges et l’interaction occuperont une plus grande place. »
La Dre Gigi Osler constate aussi que son style d’enseignement a changé. Professeure adjointe au Département d’oto-rhino-laryngologie de l’Université du Manitoba, elle a ouvert un compte TikTok à titre d’ancienne présidente de l’Association médicale canadienne. Ses vidéos – qui racontent les situations parfois déchirantes que vivent les travailleurs de la santé – sont devenues virales, et la Dre Osler se sert aujourd’hui de son compte pour répondre à des questions liées pour la plupart à la COVID-19. Selon elle, pour être populaires sur TikTok, les vidéos doivent être à la fois émouvantes, captivantes, divertissantes et instructives.
Comme Mme Blakney, la Dre Osler estime que TikTok l’a amenée à revoir ses méthodes d’enseignement, car l’application encourage la création de vidéos brèves et contenant des explications claires. Elle trouve même de l’inspiration dans les vidéos de recettes, qui peuvent montrer des dizaines d’étapes et de styles culinaires en une minute seulement. « Je regarde une vidéo et quand je trouve la recette appétissante, je fais des recherches en fonction de cette recette, précise-t-elle. Comme outil d’enseignement, TikTok nous oblige à extraire le message essentiel, puis à trouver une façon dynamique et instructive de transmettre ce message en 60 secondes. »
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Plusieurs sont toutefois sceptiques quant à l’utilisation de TikTok comme outil d’enseignement. Kate Tilleczek, professeure en éducation à l’Université York et directrice du laboratoire Young Lives Research, croit que l’utilisation d’applications accentue la pression sur les épaules des étudiants. Tout d’abord, de nombreux étudiants en ont assez des séances sur Zoom et sont fatigués de devoir suivre tous leurs cours en ligne. Dans le cadre de ses travaux, Mme Tilleczek a aussi constaté que les étudiants s’inquiètent des questions de confidentialité et de dépendance en lien avec les médias sociaux.
Mme Tilleczek comprend l’attrait de TikTok pour les professeurs qui cherchent à renouveler leurs méthodes ou à partager des moments d’enseignement dans ce qui ressemble à une assemblée publique virtuelle. Toutefois, elle leur conseille fortement de s’interroger : « Quelle est la valeur éducative? D’autres moyens mieux adaptés devraient-ils être envisagés? Le simple fait que les jeunes l’utilisent signifie-t-il que l’application améliore leur apprentissage profond ou enrichira leurs connaissances fondamentales? »
Surtout, Mme Tilleczek croit qu’il incombe aux éducateurs de réfléchir à la valeur éducative des outils qu’ils utilisent, mais aussi d’inclure les étudiants dans la discussion. « Nous ne sommes pas l’unique partie concernée. Demandons l’avis des étudiants. Permettons-leur de participer pleinement à cette discussion sur ce qu’ils considèrent comme utile, déclare Mme Tilleczek. Je pense que cette démarche est indispensable, ces temps-ci en particulier, alors que les étudiants vivent plus que jamais leur vie en ligne, sans qu’ils y soient pour quelque chose. »
Mme Blakney et la Dre Osler reconnaissent que TikTok n’occupe pas encore une place permanente dans leur plan de cours. La Dre Osler considère l’application comme un complément et comme un moyen de communiquer des messages importants sur la santé. « Si je peux aider quelqu’un en expliquant de façon simple de l’information instructive, fondée sur la science et les données probantes, cela en vaut la peine. »
En ce sens, TikTok ne représente pour les professeurs qu’un outil de plus pour joindre leurs étudiants et créer un espace éducatif, même (surtout) s’ils accompagnent le tout de quelques pas de cancan.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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