Créer des espaces inclusifs pour les étudiant.e.s 2SLGBTQIA+ dans les établissements confessionnels
Malgré des progrès notables, la communauté queer se heurte encore à la direction dans certaines universités.
Étudiantes à la maîtrise en travail social, Ashleigh Lucas et Erin Michalski n’étaient pas comblées au Collège universitaire King’s de l’Université Western.
Les deux membres de la communauté queer trouvaient qu’il manquait d’espaces, de représentation et de soutien pour leurs semblables dans l’établissement qui a des racines catholiques. « On parlait peu des personnes queers, même en classe. C’était à nous d’aborder le sujet, d’assumer cette responsabilité », explique Mme Michalski.
Elles ont donc décidé de changer les choses. « Il devait certainement y avoir d’autres gens comme nous, qui avaient aussi le goût de bâtir ces connexions », s’est dit Mme Lucas.
Elles ont demandé à la personne responsable du programme de travail social de pouvoir fonder un groupe de soutien et on les a mises en contact avec la (toute nouvelle) direction de l’équité, de la diversité, de l’inclusion et de la décolonisation. Le doyen aux affaires étudiantes n’a pas tardé à apporter son appui et des membres du personnel ont manifesté leur intérêt pour participer à l’animation du groupe. Puis, un soir d’octobre 2023, le nouveau groupe de soutien 2SLGBTQIA+ du Collège universitaire King’s s’est réuni pour la première fois.
Le groupe offre un espace sûr et accueillant pour parler des enjeux et identités queers, en plus d’être une belle occasion de créer des liens et de s’amuser. À titre d’exemple, la dernière rencontre de 2023 proposait un spectacle de drag queens et une séance d’information sur cet art. Le succès du groupe, rapidement devenu très soudé, dépasse déjà les attentes de Mmes Lucas et Michalski.
« Je vis à Toronto et je ne viens au campus que pour mes cours. Par contre, même s’il y a une annulation ou que la semaine a été longue, je reste pour voir le groupe. C’est essentiel à ma santé et à mon bonheur », confie Mme Michalski.
Coanimatrice du groupe et membre de la communauté queer, Zoe Leyland a mis longtemps à afficher publiquement son identité; elle aurait aimé avoir accès à un groupe de ce genre durant son parcours universitaire. « Il n’y avait aucune représentation, aucun espace. J’ai dû me débrouiller seule, tant bien que mal », déplore-t-elle.
Aujourd’hui, la titulaire d’un doctorat aide à changer les choses pour la population étudiante.
« La toute première chose que j’ai dite lors de la rencontre initiale, c’est que l’identité queer doit être source de joie. C’est l’objectif que je tente d’atteindre à travers nos rencontres », explique-t-elle.
Doyen aux affaires étudiantes du Collège, Joe Henry indique que le groupe est une première pour l’établissement. « En tant qu’établissement confessionnel, nous savons que la question a longtemps été épineuse. » Mais le Collège a grandi et évolué, et une initiative comme celle-ci s’intègre à sa mission de reconnaître la dignité intrinsèque de chaque individu.
« Nous voulons que tout le monde se sente soutenu et bienvenu, insiste-t-il. Afficher le drapeau de la fierté, ce n’est pas suffisant. Il faut des espaces visibles où les gens peuvent créer des liens. »
L’ensemble des établissements confessionnels au Canada comptent des étudiant.e.s et des employé.e.s 2SLGBTQIA+. Certains, comme le Collège universitaire King’s, travaillent à les soutenir et à créer des milieux accueillants et inclusifs. Mais dans d’autres, des étudiant.e.s queers décrivent l’ambiance comme hostile et le soutien de la direction, lacunaire. Les membres de One TWU, un groupe étudiant indépendant 2SLGBTQIA+ à l’Université Trinity Western, indiquent que la vie sur le campus n’est pas toujours facile pour la communauté queer et ses allié.e.s.
Étudiant en troisième année du programme d’études environnementales, Kathryn Buchner a commencé à participer aux activités du groupe dès sa première année, après avoir vu une affiche en parlant. À l’époque, Kathryn Buchner sentait que les personnes queers n’avaient pas leur place sur le campus et pensait même changer d’école.
Aujourd’hui, Kathryn Buchner est à la tête du groupe et se demande comment le faire connaître, puisque la direction de l’université interdit dorénavant à One TWU d’apposer des affiches ou autocollants sur le campus. L’an dernier, le groupe s’est vu refuser la permission d’organiser une soirée de contes sur place, même si on la leur avait accordée par le passé. « L’environnement a toujours été plutôt hostile pour les personnes queers, mais ces temps-ci, les gens semblent vraiment se liguer contre nous et notre groupe », se désole Kathryn Buchner.
Université chrétienne située à Langley, en Colombie-Britannique, l’Université Trinity Western a fait la manchette en 2018 quand la Cour suprême du Canada a refusé de donner l’agrément à son projet de faculté de droit. La décision reposait principalement sur le code de conduite imposé par l’Université, qui proscrit toutes relations sexuelles hors mariage hétérosexuel. Les barreaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario avaient déjà refusé la demande de l’établissement, considérant que le code constituait une forme de discrimination envers les étudiant.e.s 2SLGBTQIA+. L’Université a depuis renoncé à imposer son code à la communauté étudiante, mais celui-ci reste obligatoire pour la direction ainsi que pour le personnel enseignant et non enseignant.
Responsable des communications de One TWU, Carter Sawatzky a obtenu son diplôme l’année dernière. On lui demande souvent pourquoi une personne queer choisirait de fréquenter un établissement confessionnel. Sa réponse : « On peut être une personne LGBTQ et pratiquer une religion. Les gens qui s’inscrivent à l’Université Trinity Western, moi y compris, ne sont souvent pas ouvertement queers. Je me cachais et je vivais un véritable combat interne. J’ai grandi en croyant que je devais choisir entre Dieu et mon identité, mon genre et mon orientation. »
One TWU célébrera son 10e anniversaire plus tard cette année, pour marquer l’occasion le groupe recueille des fonds pour assurer sa pérennité. L’argent profitera à diverses initiatives, dont l’embauche d’une personne qui offrirait des services d’aumônerie aux étudiant.e.s 2SLGBTQIA+.
Les membres de la communauté queer auraient ainsi quelqu’un pour les rencontrer, prendre de leurs nouvelles et leur offrir un soutien spirituel, explique Carter Sawatzky. « À l’Université Trinity Western, il n’existe aucun mécanisme de soutien officiel pour la communauté LGBTQ; One TWU est la seule option. Ce n’est pas suffisant. »
L’Université Crandall, un établissement chrétien à Moncton, au Nouveau-Brunswick, a aussi fait couler de l’encre au fil des ans. Pendant une dizaine d’années, pour y travailler, les membres du personnel devaient se conformer à un « code de moralité » stipulant que l’intimité sexuelle ne peut se produire que dans le contexte d’un mariage traditionnel entre un homme et une femme.
Le responsable du marketing et des communications de l’Université, Darrell Nevers, a déclaré à Affaires universitaires que l’établissement n’impose aucun code faisant référence à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, ni à ses étudiant.e.s ni à son personnel.
« Toutes les personnes qui souhaitent étudier ici sont les bienvenues. Notre énoncé de mission est très clair: nous servons “toutes les personnes qui s’inscrivent à l’Université Crandall” – y compris les membres de la communauté 2SLGBTQ+, bien entendu », précise-t-il.
L ’Université Crandall a également entrepris d’améliorer l’accessibilité de ses installations, notamment en offrant des toilettes neutres dans les bâtiments universitaires; l’établissement songe en outre à rénover les logements étudiants afin qu’ils soient mieux adaptés aux personnes de genres divers.
À l’Université Saint-Paul, un établissement bilingue catholique d’Ottawa, d’autres projets sont en cours. Selon Carole Audet,vice-rectrice associée, Talent, diversité et culture, l’Université travaille actuellement à connaître tous les membres de sa communauté pour pouvoir mieux répondre à leurs besoins. Au début de l’année 2024, les professeur.e.s, le personnel et les étudiant.e.s ont reçu un sondage sur leur appartenance à la communauté LGBTQ et leur expérience universitaire.
« Nous savons qu’il y a des membres de la communauté LGBTQ à l’Université, mais je pense que nous devons leur donner une tribune officielle », soutient Mme Audet. Elle ajoute que c’est la première étape d’un long processus. D’autres initiatives sont prévues, notamment une formation sur les préjugés inconscients (attendue cette année) et la création d’un plan d’action qui déterminera les obstacles à surmonter et les lacunes à combler. L’objectif, c’est d’améliorer l’expérience de toutes les personnes qui fréquentent l’établissement.
Dans cette optique, elle réfléchit aux moyens de concilier les besoins de l’organisation et de sa mission religieuse avec ceux des personnes d’identités diverses. « Il y a moyen d’y arriver, soutient-elle. L’important, c’est d’en parler, et d’écouter ce que chacun.e a à dire. Tout le monde a sa place ici. »
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
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1 Commentaires
Je suggère l’utilisation de « 2ELGBTQIA+ » pour les écrits en français, plutôt que « 2SLGBTQIA+ ».