La communauté universitaire réagit au projet de loi de Québec sur la liberté académique
Si certains se réjouissent de l’approche privilégiée, d’autres la jugent inadaptée.
Le gouvernement du Québec a dévoilé le 6 avril dernier son projet de loi 32 (PL 32) sur la liberté académique dans les universités. Certains articles ont suscité des critiques dans la communauté universitaire, unanime dans sa défense de l’autonomie des établissements.
Le dépôt du PL 32 survient moins de quatre mois après celui du rapport de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire (Rapport Cloutier). La Commission avait recommandé très clairement au gouvernement de légiférer pour protéger la liberté académique dans ces établissements.
Cette idée ne faisait pas l’unanimité à l’époque. L’Union étudiante du Québec, la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) et le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), notamment, souhaitaient plutôt que chaque établissement adopte un énoncé de principes sur le sujet. Le BCI a préféré ne pas commenter la mouture actuelle du projet de loi.
Au contraire, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) défendaient la voie législative. La FQPPU est d’ailleurs un peu l’initiatrice de cet élan. « J’avais lancé l’idée d’une telle loi en 2019 et nous avions soumis un premier projet au ministre Jean-François Roberge en mars 2020, rappelle le président de la FQPPU, Jean Portugais. C’est un geste fort pour un gouvernement de légiférer pour protéger la liberté académique et cela permettrait aux juges d’avoir des instructions plus claires en cas de litiges. »
Une définition tronquée
Avec 10 articles, le PL 32 reste relativement court. Il définit à l’article 3 la liberté académique comme étant « le droit de toute personne d’exercer librement et sans contrainte doctrinale, idéologique ou morale une activité par laquelle elle contribue, dans son domaine d’activité, à l’accomplissement de la mission d’un établissement d’enseignement ». Cette liberté s’applique à l’enseignement, à la recherche et à la diffusion des résultats, aux critiques de la société, des institutions, des doctrines, des dogmes et des opinions, et à la participation libre aux activités d’organisations professionnelles ou universitaires.
Certains ont tiqué à la lecture de cette définition, dont la FNEEQ et la FQPPU. En effet, le gouvernement retient en partie la définition de la liberté académique proposée par l’UNESCO en 1997 et inscrite dans le rapport Cloutier. Il en a toutefois enlevé un élément important : le droit [pour les enseignants] d’exprimer librement leur opinion sur l’établissement ou le système au sein duquel ils travaillent et de ne pas être soumis à la censure institutionnelle.
« C’est un aspect majeur de la liberté académique qui se retrouve écarté, déplore Christine Gauthier, vice-présidente de la FNEEQ-CSN et responsable du regroupement université. Le projet de loi omet la partie de la définition de l’UNESCO qui protège le mieux nos membres. Le gouvernement doit préciser que la liberté académique a préséance sur le devoir de loyauté envers l’institution. »
La FNEEQ-CSN aimerait aussi voir les enseignants des cégeps couverts par le projet de loi. De son côté, la FQPPU souhaite que le projet de loi comporte une protection contre les poursuites-bâillons.
L’autonomie des universités mise en question
Le projet de loi exige que les universités se dotent d’une politique qui portera exclusivement sur la liberté académique. Elle doit prévoir des sanctions applicables en cas d’infraction ainsi que la mise en place de mesures de sensibilisation et d’information auprès de la communauté universitaire et d’outils pédagogiques et de ressources, dont un service-conseil. Les établissements doivent aussi former un conseil pour surveiller sa mise en œuvre et traiter les plaintes sur les atteintes au droit à la liberté académique.
Ce que la politique ne peut pas faire, c’est « empêcher que des idées et des sujets qui sont susceptibles de choquer soient abordés à l’occasion d’une activité qui contribue à la mission universitaire ni d’obliger qu’une telle activité soit précédée d’un avertissement lorsqu’elle comporte un tel contenu ». Finis donc les « traumavertissements » en début de cours et la classe comme « espace sécuritaire ».
Si le libellé du PL 32 semble, dans l’ensemble, respecter l’autonomie des universités d’en gérer l’implantation dans leur établissement, l’article 6 a fait bondir un peu toute la communauté universitaire. Il stipule que « le ministre peut, lorsqu’il l’estime nécessaire pour protéger la liberté académique universitaire, ordonner à un établissement d’enseignement de prévoir dans sa politique tout élément qu’il indique ».
« Cet article contrevient clairement au principe d’autonomie des universités en permettant à un ou une ministre de s’immiscer dans l’élaboration des politiques universitaires; or la liberté académique existe aussi pour résister aux ingérences de l’État », soutient Jonathan Desroches, président par intérim de l’UEQ. Les syndicats ainsi que les recteurs et rectrices partagent cette analyse, une unanimité assez rare dans le monde universitaire.
M. Desroches qualifie par ailleurs le PL 32 de « coquille vide », qui n’aidera pas à changer le fait que des étudiants se sentent blessés par des propos entendus en classe ou que des enseignants se retrouvent pris à parti par des étudiants sur les réseaux sociaux en raison de leurs paroles. « Les universités doivent créer des instances de médiation dans leurs établissements et surtout intensifier leur formation sur les enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion », croit-il.
Des chargés de cours vulnérables
Le manque d’indications claires quant à la composition des comités chargés de gérer les politiques de liberté académique soulève aussi des inquiétudes. En effet, rien n’oblige les universités à y inclure des chargés de cours, des professionnels de recherche, des étudiants ou du personnel de soutien. « Nous estimons très important que ces comités respectent un principe de collégialité et que tous les membres de la communauté universitaire y soient représentés », avance Mario Beauchemin, troisième vice-président de la CSQ.
L’inquiétude est notamment vive chez les chargés de cours, qui se retrouvent souvent exclus des instances des établissements. D’autant qu’en raison de la précarité de leur situation, ils deviennent particulièrement vulnérables aux atteintes à la liberté académique. « Pour ne pas risquer de perdre leur travail, plusieurs de ces enseignants se censurent, afin de ne pas déplaire aux étudiants ni à la direction », regrette Sylvain Marois, vice-président aux relations intersyndicales du Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université Laval.
Les membres de la communauté universitaire pourront plaider leur cause lors des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi, prévues les 10 et 11 mai prochains. « C’est sûr que nos membres rejettent le projet de loi dans sa forme actuelle, mais j’espère que le gouvernement affichera de l’ouverture envers les amendements proposés, lance Jean Portugais. La Loi sur la presse protège les journalistes depuis 1929, il serait temps que la liberté académique des enseignants universitaires soit elle aussi mieux défendue. »
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
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