Le milieu scientifique est appelé à s’exprimer

Selon les conseillers scientifiques en chef du Canada, du Québec et de l’Ontario, il est important que la population participe plus activement à la science.

06 février 2018

La directrice de l’Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique de l’Université d’Ottawa, Monica Gattinger, a comparé l’événement à la venue de vedettes rock. Les trois conseillers scientifiques en chef du Canada sont montés sur scène à l’Université à la fin de janvier, acclamés par une foule d’universitaires, de scientifiques, de chercheurs et d’étudiants aux allures de groupies. Ils étaient d’ailleurs nombreux à tenter de se frayer un chemin pour prendre un égoportrait avec Mona Nemer, conseillère scientifique en chef du Canada, ou avec l’un de ses homologues, Molly Shoichet, de l’Ontario ou Rémi Quirion, du Québec.

Lors de cette table ronde ouverte au public, intitulée « Conseils scientifiques au Canada : Entrons-nous dans une nouvelle renaissance? », les trois conseillers scientifiques ont convenu que les gouvernements comme la population étaient vivement intéressés par les conseils touchant les politiques scientifiques, la recherche et l’information. Ils ont cependant lancé un avertissement : le milieu scientifique doit saisir cette occasion et mieux communiquer les enjeux scientifiques et leur importance.

« Nous devons rétablir la confiance envers la science », a affirmé Molly Shoichet, citant des statistiques selon lesquelles 79 pour cent des Canadiens sont préoccupés par les fausses nouvelles et leur effet néfaste sur la perception de la population à l’égard de la science. « Près de 40 pour cent des Canadiens — soit environ deux sur cinq — croient que les données scientifiques qui appuient la thèse des changements climatiques sont encore incertaines, a-t-elle dit. Dix-neuf pour cent croient encore qu’il peut y avoir un lien entre vaccins et autisme. »

De gauche à droite : Monica Gattinger, directrice, Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique; Mona Nemer, conseillère scientifique en chef du Canada; Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec; Molly Shoichet, scientifique en chef de l’Ontario; Marc Saner, professeur, département de géographie, Université d’Ottawa.

Bien que la plupart des Canadiens souhaitent être mieux informés en ce qui concerne la science et ses effets sur leur vie, elle cite la controverse sur la consommation d’aliments génétiquement modifiés et les risques perçus pour la santé : « C’est un excellent exemple de science qui n’est pas expliquée au public. Comme scientifiques, nous devons commencer par expliquer aux gens ce que nous faisons et pourquoi c’est pertinent. Nous devons leur montrer qu’ils n’ont pas à avoir peur du changement. »

Mme Nemer, qui a pour rôle de conseiller le premier ministre du Canada et son cabinet sur les questions relatives aux sciences, estime qu’il est primordial de favoriser le dialogue entre les scientifiques et la population. « Donnez-leur les moyens de mieux comprendre les politiques scientifiques et leurs orientations, a-t-elle demandé à l’auditoire. Les jeunes de 14 ans savent une foule de choses grâce aux réseaux sociaux et à Internet. Nous devons tisser des liens avec cette génération. »

Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, est d’avis qu’il est essentiel de former la prochaine génération de scientifiques pour rendre la science pertinente, utile et accessible. « Nous voulons avoir une influence, mais nous ne sommes que trois, a-t-il expliqué en pointant ses deux collègues à ses côtés sur scène. Nous avons besoin de vous, les étudiants. Et nous devons nous demander comment former la prochaine génération de scientifiques. »

Shawn McGuirck, un doctorant qui a assisté à la conférence, trouve qu’il y a beaucoup de pression sur les épaules des étudiants. « Il faut également discuter du soutien dont a besoin la prochaine génération pour relever ce défi », soutient-il.

« Seul un étudiant sur six se dirigera vers l’enseignement. Les étudiants doivent être au fait des carrières qui touchent le domaine scientifique. Comme ces carrières se trouvent davantage dans la sphère publique, il faut des compétences en communication. Et ceux qui se destinent à l’enseignement doivent comprendre que sensibiliser la population est une part importante du travail de scientifique au Canada. »

M. McGuirk étudie en biochimie et effectue de la recherche sur le cancer du sein à l’Université McGill. Il est également coprésident de Dialogue Sciences et Politiques, un organisme à but non lucratif établi à Montréal et dirigé par des étudiants aux cycles supérieurs et des chercheurs postdoctoraux. Le groupe a pour mission de faire le pont entre le milieu universitaire, le secteur privé, le gouvernement et le public.

Les conseils scientifiques pourraient s’approcher d’une renaissance, « mais nous n’en sommes pas encore là, dit-il. Nous sommes à l’ère de la désinformation virale. Nous devons faire en sorte qu’il y ait une sorte de connexion entre la population et la science. Il faut abattre la tour d’ivoire qui laisse croire que la science est inaccessible ou réservée aux gens de pouvoir. »

Il faudrait peut-être « humaniser » les scientifiques, croit M. McGuirk. « Nous devons rendre publics tous les résultats scientifiques, sous une forme ou une autre. Ce peut être le rôle des scientifiques, ou celui de spécialistes des communications. »

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