Le programme Dimensions est relancé 

Un an après la (non) annonce de la fin du programme Dimensions, celui-ci est finalement de retour.

03 décembre 2024
Photo de : Jacob Lund

Le 24 octobre 2024, un bref communiqué de presse annonçait qu’« après le succès de la phase pilote », Dimensions était remise sur les rails par les trois organismes subventionnaires fédéraux,  les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)  . « C’est une bonne nouvelle ; c’est ce que les institutions ayant fait partie du pilote demandaient », se réjouit Malinda Smith, vice-provost EDI et vice-présidente associée à la recherche (EDI) à l’Université de Calgary. 

Une décision qui étonnait 

La nouvelle de la fin de Dimensions avait été accueillie avec stupéfaction en début d’année dernière. Rappelons que le projet pilote, impliquant 17 établissements participant, avait été lancé en 2019 pour mieux définir la vision, et les outils à développer pour cette initiative s’inspirant de la charte Athena SWAN. Dimensions était particulièrement ambitieux, comportant cinq niveaux de reconnaissances des efforts des établissements pour évaluer les efforts d’inclusion envers cinq groupes minorisés (femmes, peuples autochtones, personnes en situation de handicap, membres de minorités visibles ou de groupes racisés et membres de la communauté LGBTQ2+). 

LIREAUSSI : Une fin discrète pour Dimensions 

 « Sa cessation soudaine a laissé un vide significatif dans les efforts en cours pour renforcer l’inclusivité dans le milieu universitaire », note Karine Coen-Sanchez, coprésidente du Comité consultatif sur la lutte contre le racisme à l’endroit des personnes noires dans les programmes de recherche et de formation en recherche du CRSH. 

Cette décision, prise avant même la publication du rapport final d’évaluation, était d’autant plus étonnante compte tenu des orientations et des priorités du fédéral en matière d’EDI. « Sans données, c’est difficile de savoir si quelque chose a été efficace », ajoute Wendy Rogers, rectrice de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.  

Ce rapport a finalement récemment été mis en ligne. « L’évaluation a révélé que la valeur, la pertinence et l’efficacité du programme Dimensions étaient des moteurs pour la progression de l’EDI dans tous les établissements d’enseignement postsecondaire canadiens », peut-on y lire.  

Chronologie de la mobilisation d’une communauté  

La fin de Dimensions n’aura pas laissé la communauté d’EDI indifférente. « Le projet pilote fut un gros investissement. Arrêter Dimensions là, quel message ça envoyait ? » remarque Bibiana Pulido, co-fondatrice et directrice générale du Réseau (interuniversitaire) québécois pour l’équité, la diversité et l’inclusion (RIQÉDI). Lors d’un atelier en mai au Cégep André-Laurendeau autour des questions de l’EDI, « plusieurs personnes ont souligné qu’un gros morceau avait été perdu », relate Karine Morin, anciennement au CRSNG, mais aujourd’hui présidente et cheffe de la direction de la Fédération des sciences humaines. 

C’est donc toute une diversité de chercheuses et chercheurs, de personnes défenseures des droits sociaux et de leaders communautaires qui se sont mobilisés. « La réintroduction de ce programme a été réalisée de manière collaborative », affirme d’ailleurs Mme Coen-Sanchez. En juillet, celle-ci a corédigé un article avec Evidence for Democracy (une organisation sans-but lucratif qui promeut l’intégration des preuves scientifiques dans le processus décisionnel gouvernemental) soulignant les répercussions du programme et les conséquences de sa suppression. 

Anoush F. Terjanian, ancienne membre du CA du CRSH, raconte que « La “Coalition Dimensions” s’est appuyé sur l’élan généré par le mouvement “Soutenez notre science”, pour réunir des représentants […] afin de garantir que ce programme performant et peu coûteux puisse continuer à stimuler l’innovation inclusive et durable au Canada […] » Rappelons à cet égard que le projet pilote n’avait dépensé que 3,6 des 5 millions de dollars budgétés, et que le maintien du programme demandera vraisemblablement encore moins de ressources (le montant exact du budget pour le programme n’a pas été révélé). 

Continuer à soutenir les efforts 

Les détails du programme sont à venir, mais le CRSNG indique par courriel que « Dimensions poursuivra la charte et le programme de reconnaissance et continuera de soutenir la communauté de pratique et de créer des ressources qui peuvent être partagées dans l’ensemble du secteur. Le programme s’adressera au secteur postsecondaire ». 

« C’est un bon pas pour l’inclusion de l’EDI dans l’écosystème de la recherche canadien, et cela va aider à créer une approche plus coordonnée et cohésive », espère Mme Smith.  Comme le récent rapport du Conseil des académies canadiennes (CAC) l’a constaté, les universités ont encore beaucoup de chemin à faire en la matière. « Les mesures intégrées à travers plusieurs établissements ont plus de chance de produire des changements qui auront de vrais impacts », confie Mme Rodgers, qui était la présidente du panel d’expert du rapport du CAC. 

En l’absence de détails précis, difficile de dire en ce moment ce que Dimensions permettra de faire. « Comme pour toute chose, il y aura des améliorations à faire. L’important est de continuer les travaux et de mobiliser toutes les universités », estime Mme Pulido.  

Aryan Karimi, professeur en sociologie à l’Université de Colombie-Britannique, souhaiterait pour sa part que les efforts en EDI partent de la base, et craint que ce genre d’initiative ne soit que façade de la part des institutions. « Ça fait partie de la constitution de l’image de marque des institutions au niveau national, qui ne se traduit pas au niveau individuel », croit celui qui ne connaissait pas Dimensions malgré son intérêt pour les questions EDI et le fait que son institution faisait partie des 17 impliquées dans le projet pilote. 

Mais Dimensions, espère-t-on, permettra de donner la capacité aux établissements de toute tailles (en particulier les plus petites, qui ont moins de ressources) de soutenir les efforts des chercheuses et chercheurs et la diversité de talent, dans un esprit collaboratif entre les universités plutôt que compétitif. Parce que « au-delà des acronymes, l’équité, la diversité, l’inclusion et l’accessibilité mènent à de meilleures recherches. Je suis convaincue que l’EDI améliore et contribue à l’excellence  », conclut Mme Smith. 

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