7 éléments qui poussent les étudiants à préférer les cours en classe aux cours à distance

Des étudiants de l’Université York ont discuté des aspects des cours en classe qui leur manquent le plus en ces temps d’apprentissage à distance.

02 décembre 2020

Nous sommes un groupe d’étudiants au premier cycle et aux cycles supérieurs de l’Université York qui suivent les cours du professeur de sociologie Cary Wu sur les méthodes de recherche. Sous sa direction, nous nous sommes récemment réunis en ligne pour discuter de ce qui distingue les cours en classe de l’apprentissage en ligne. Cet échange productif nous a permis de cerner les aspects des cours en classe qui nous manquent. Voici les sept aspects qui sont revenus le plus souvent dans nos échanges.

 1. Sentiment d’appartenance et relations amicales

La présence en classe crée un sentiment d’appartenance à une communauté que l’apprentissage en ligne ne permet pas facilement. Elle permet aux étudiants de tisser les liens avec ceux de leurs pairs qui partagent leur état d’esprit et leurs intérêts sur le plan scolaire. Il n’est pas facile de faire de même en ligne, la plupart des étudiants conversant rarement ensemble pendant et après leurs cours à distance.

Lorsqu’ils sont regroupés en un même lieu, les étudiants forgent naturellement des liens et il leur est assurément plus facile de discuter entre eux et avec les professeurs. Les cours en classe engendrent des discussions vivantes lors desquelles les étudiants peuvent échanger des idées. Inversement, les cours à distance génèrent une expérience impersonnelle et largement anonyme. « Ils n’engendrent pas les relations amicales qui naissent habituellement des cours en classe. J’ai l’impression que l’occasion de faire du réseautage est ratée », précise un étudiant.

« [Les cours à distance] n’engendrent pas les relations amicales qui naissent habituellement des cours en classe. J’ai l’impression que l’occasion de faire du réseautage est ratée. »

Les cours en ligne limitent aussi la possibilité pour les étudiants de bénéficier du soutien de leurs pairs à qui, en temps normal, les étudiants s’adressent s’ils ont des questions au sujet des orientations pédagogiques, des procédures de l’établissement, de Moodle, etc. Il en va autrement dans le cadre de l’apprentissage en ligne : ne pouvant tisser des liens avec les autres, certains étudiants disent se sentir « mal à l’aise d’échanger par courriel avec des inconnus ».

La situation est particulièrement pénible pour les étudiants aux cycles supérieurs. L’un d’eux témoigne : « En tant qu’étudiants aux cycles supérieurs, nous avons généralement peu de temps pour nous adonner à nos passe-temps et voir nos amis. Nos échanges sociaux au cours d’une semaine se résument souvent au temps passé en classe ou dans des réunions. Le fait d’être privés de ces rencontres engendre chez nous un grand sentiment de solitude et de tristesse, qu’il ne faut pas sous-estimer. »

2. Signaux sociaux

Il arrive souvent que les signaux sociaux émis passent inaperçus dans le cadre des cours à distance, engendrant une mauvaise perception des gens et des situations. Les étudiants déplorent le manque d’« aspect humain » des échanges en ligne. « J’ai l’impression de me parler à moi-même ou de passer mon temps à me filmer, plutôt que de discuter », dit l’un d’eux.

Le problème est amplifié lorsque les étudiants éteignent leur caméra pendant les cours à distance. Il en découle une absence de signaux sociaux perceptibles, qui peut engendrer un sentiment d’insécurité lors des échanges. Les étudiants ont du mal à « développer un sentiment de confiance et de familiarité » vis-à-vis de leurs pairs, qu’ils perçoivent comme des « étrangers » du fait qu’ils ne voient pas leurs visages.

3. Motivation

« J’aime voir les autres étudier à la bibliothèque parce que ça me motive et me réconforte », affirme un étudiant. Sans la possibilité d’étudier à la bibliothèque ou dans d’autres espaces communs, les étudiants sont moins motivés à faire leurs devoirs et à préparer leurs examens. Il semble que la bibliothèque soit un lieu réconfortant qui favorise la résilience et génère une solidarité entre étudiants. L’un d’eux estime que le fait de voir ses pairs étudier permet à chacun de voir qu’il n’est pas seul à peiner et le pousse à faire de son mieux.

Les étudiants aux cycles supérieurs affirment aussi que le fait de discuter avec leurs professeurs après les cours leur permet de tisser des liens bénéfiques à leur apprentissage. « Tout n’est pas qu’une question de maîtrise du programme souligne l’un d’eux. Le fait d’établir une bonne relation avec un professeur me pousse à poser davantage de questions, à chercher davantage de réponses. »

4. Concentration

La participation et la concentration sont essentielles à l’apprentissage, mais les cours à distance ne les favorisent guère. « En l’absence d’échanges en personne avec leurs professeurs et leurs camarades, certains étudiants ont du mal à se concentrer pendant les cours et s’abstiennent de poser des questions. » De plus, les cours en ligne sont propices aux distractions de tout genre : notifications, le clavardage sur Zoom, et toute autre source de diversion inévitable au sein du foyer ou du voisinage.

Le simple fait de croire qu’ils feraient mieux dans le cadre de cours en classe peut mener les étudiants à se croire mal équipés pour étudier en ligne, et donc à y accorder moins d’importance et à travailler moins. « Les étudiants doivent suivre des cours et des séances de tutorat, faire leurs travaux, passer des tests et des examens. Le fait de ne pas avoir à le faire sur place multiplie les chances qu’ils remettent ces choses au lendemain. »

Les étudiants aux cycles supérieurs n’échappent pas à la règle : « Le fait de se rendre en un lieu donné pour étudier aux côtéa de gens avec lesquels on peut échanger avant et après les cours, ou pendant les pauses, aide à rester concentré et à s’intéresser à la matière étudiée. »

5. Confidentialité

Le fait de suivre les cours depuis chez soi met-il à mal la confidentialité? Concrètement oui, pour beaucoup d’étudiants. Les réunions en ligne depuis chez soi ne procurent pas le même degré de confidentialité que les réunions en personne, derrière des portes closes. Très souvent d’autres membres de la famille sont présents aussi à la maison en raison de la pandémie, ce qui peut pousser les étudiants à renoncer à des rendez-vous virtuels par manque d’espace personnel à domicile et les priver d’interactions humaines.

De même, certains étudiants refusent de parler de leurs problèmes à leurs conseillers pédagogiques depuis chez eux, par crainte que quelqu’un les entende. Ils se sentent davantage à l’aise et soutenus s’ils peuvent discuter en personne avec ces conseillers.

« Depuis que j’étudie chez moi, je n’ai plus de routine, plus besoin de me lever tôt pour arriver à l’heure quelque part. » Photo par Catherine Heath d’Unsplash.

6. Routine et discipline

La première clé de la réussite scolaire est peut-être la discipline. Or, l’apprentissage en ligne ne nécessite pas la même structure organisationnelle, ce qui peut influer sur les notes des étudiants et sur leur expérience pédagogique. L’un d’eux se confie : « Depuis que j’étudie chez moi, je n’ai plus de routine, plus besoin de me lever tôt pour arriver à l’heure quelque part. »

Plus troublants encore sont les risques de procrastination qu’engendrent les cours asynchrones. L’absence d’horaires imposés, de rappels par les professeurs et d’échanges réguliers en classe avec leurs camarades conduit presque à coup sûr les étudiants à prendre du retard par rapport aux lectures à faire et au contenu du cours.

Cette absence de structure peut aussi brouiller les frontières entre la maison et le travail à l’université. « Après avoir travaillé fort à l’université, on peut se détendre une fois à la maison, mais quand on est toujours chez soi, bien des choses peuvent nous distraire, que ce soit l’interaction avec les autres membres de la famille aussi à la maison ou autre chose, et nous pousser à reporter notre travail à plus tard. »

Il est particulièrement difficile de rester concentrés pour les étudiants qui ne disposent pas chez eux de leur propre espace pour étudier. « J’ai du mal à me concentrer : ma chambre est trop petite pour y installer un bureau, et au salon il y a toujours du bruit. Je n’ai pas d’autre solution que de travailler et d’étudier la nuit, quand la famille dort. »

7. Synergie du campus

La simple présence sur le campus procure aux étudiants une expérience éducative et sociale positive. Elle permet d’établir une distinction nette entre le travail et la maison, inexistante en ces temps d’apprentissage à distance. « Je vois mon domicile comme un lieu sûr, où je n’ai pas à stresser, où je peux oublier la journée et me détendre. »

Le campus constitue aussi un lieu où les étudiants qui vivent loin les uns des autres peuvent se rencontrer et échanger. Mais surtout, il offre une ambiance propice pour étudier, se concentrer et faire ses devoirs. Un étudiant s’exprime : « Avant, je me rendais chaque jour à l’Université York, même quand je n’avais pas de cours. J’arrivais chaque matin à 7 h et j’étudiais jusqu’au début de mes cours, dont la plupart avaient lieu l’après-midi. Je restais sur le campus jusqu’aux alentours de 17 h, soit tant que je n’avais pas assisté à tous mes cours et à mes séances de tutorat. Bref, l’Université York était le lieu où je travaillais. »

« Le simple fait de se demander combien de temps nous devrons suivre nos cours à distance est angoissant. Cela va-t-il devenir la nouvelle réalité des étudiants universitaires? »

L’apprentissage en ligne semble nuire aux résultats scolaires et à l’expérience sociale des étudiants, aussi bien au premier cycle qu’aux cycles supérieurs. « Le simple fait de se demander combien de temps nous devrons suivre nos cours à distance est angoissant. Cela va-t-il devenir la nouvelle réalité des étudiants universitaires? »

Les étudiants luttent pour rester concentrés, motivés et engagés, mais ils n’ont plus le sentiment de former une communauté avec les autres étudiants et les professeurs. Il ne s’agit pas d’affirmer que l’apprentissage à distance n’a que des retombées négatives, mais plutôt de reconnaître qu’il pose des défis à tous les étudiants.

La pandémie mondiale a été pour les étudiants une occasion d’envisager leur parcours éducatif ainsi que les aspects positifs de l’apprentissage sur le campus et des contacts en personne avec leurs pairs et leurs professeurs. Chacun a pu constater ce que c’est que de ne pouvoir compter que sur soi-même, au propre comme au figuré, et tous s’entendent pour dire que l’apprentissage sur le campus engendre de précieux échanges sociaux.

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