Les études supérieures en milieu francophones vues par des anglophones et allophones
Quatre étudiantes et étudiants non francophones reviennent sur leurs études aux cycles supérieurs à l’Université Laval.
Jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau plafond des permis d’études, le nombre d’étudiantes et d’étudiants internationaux n’avait cessé de croître ces deux dernières décennies. Parmi ces personnes venant de partout sur la planète, une quantité non négligeable choisit d’étudier au Québec (qui obtient le deuxième rang en nombre d’étudiantes et étudiants internationaux).
Dernièrement, j’ai discuté avec des gens du Canada et d’ailleurs qui étudient aux cycles supérieurs en médecine à l’Université Laval, la plus vieille université francophone en Amérique du Nord. Nous avons échangé sur leur expérience d’apprentissage dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle.
De nombreux facteurs influencent le choix du lieu d’études. Malgré la barrière de la langue et les efforts d’adaptation supplémentaires requis même pour les bilingues, ce qui ressort chez les quatre personnes interviewées, à part les difficultés, ce sont les avantages de l’immersion linguistique et culturelle.
Personnes interviewées :
Ayesha Siddika en est à sa deuxième année de doctorat en médecine moléculaire. Étudiante internationale originaire du Bangladesh, elle parle, en ordre d’aisance, bengali, anglais, hindi et urdu. Avant son arrivée à l’Université Laval, elle ne connaissait pas un mot de français. Elle est maintenant débutante, après avoir suivi un cours de niveau A1.
Gabriel Lamothe termine cette année son doctorat en médecine moléculaire. Il est originaire de Montréal et parle français et anglais. Le français est sa langue maternelle, mais il a étudié en anglais jusqu’à la maîtrise. Malgré son bilinguisme, il a donc eu besoin d’un temps d’adaptation pour revenir à un quotidien francophone.
Sina Ramezani est doctorant en médecine moléculaire et originaire d’Iran. Il parle persan, azéri, anglais et un peu français. Il a suivi un cours de français accéléré en Iran et s’est appuyé sur des cours en ligne et des balados pour comprendre l’accent et les expressions du Québec, qui lui ont donné du fil à retordre.
Yaoyao Lu est étudiante au doctorat en médecine moléculaire. Originaire de Chine, cette étudiante parle mandarin et anglais. Avant son arrivée à l’Université Laval, elle a suivi en Chine un cours de français de niveau A1, qui portait sur les formules de salutations quotidiennes. Elle est actuellement débutante en français, et s’améliore en écoutant les conversations autour d’elle.
Quel a été le principal avantage d’étudier dans un milieu francophone?
Gabriel : Être dans un milieu francophone tout en étudiant dans un domaine fortement anglophone m’a aidé à devenir parfaitement bilingue. Mon quotidien est plus simple maintenant que je suis à l’aise dans les deux langues.
Sina : Ça m’a motivée à apprendre une nouvelle langue, et je suis fascinée par la culture locale.
Quelle a été votre plus grande difficulté lors de vos études en contexte francophone?
Gabriel : Ce n’est jamais simple de réapprendre le lexique d’un champ scientifique. Chaque domaine est différent. Il suffit parfois de donner un autre accent aux mêmes mots, mais on n’acquiert pas pour autant le réflexe de traduire ses idées du jour au lendemain. Formuler nos idées prend malheureusement plus de temps, ce qui peut miner l’aperception externe de notre intelligence ou de nos connaissances. Je dois cependant dire que la maîtrise de l’anglais facilite beaucoup les choses de ce côté.
Sina : Le plus dur, ça a été de nouer des amitiés : les gens avaient tendance à préférer échanger avec les personnes à l’aise en français. De plus, la plupart des offres d’emploi exigent la maîtrise du français.
Yaoyao : Je n’arrive à bien communiquer mes idées qu’en anglais. L’autre jour, j’essayais de prendre un rendez-vous dans une clinique dentaire, et j’ai dû demander de l’aide à quelqu’un, parce que la réceptionniste ne me comprenait pas.
En quoi le milieu francophone a-t-il influé sur votre expérience universitaire?
Ayesha : Le contexte francophone a enrichi mon expérience universitaire en m’exposant à une nouvelle culture et à une diversité de points de vue. J’ai dû sortir de ma zone de confort, ce qui m’a fait grandir et m’a rendue plus résiliente. Malgré les défis liés à la langue, le milieu m’a encouragée à développer de nouvelles compétences, à m’adapter à diverses situations et à échanger avec une communauté universitaire élargie.
Sina : Je ne peux pas profiter des conférences et des ateliers ici. Les cours sont en français. Même si je peux passer mes examens en anglais, j’ai de la difficulté à comprendre ce qui est abordé en classe.
Quelles difficultés liées à la langue française avez-vous éprouvées à l’Université Laval?
Ayesha : Comme étudiante non francophone, j’ai eu de la difficulté à comprendre les cours et le matériel, qui sont majoritairement en français; mon accès à certaines ressources universitaires est limité, et la communication avec le corps professoral et mes pairs n’est pas aisée. La barrière de la langue a aussi compliqué les projets d’équipe, le réseautage et la participation aux activités sur le campus. Ces défis ont exigé des efforts supplémentaires : j’ai dû trouver des ressources en anglais et utiliser des outils de traduction pour rester à jour dans mes études et communiquer avec les autres.
Gabriel : Ma capacité à exprimer mes idées rapidement avait quelque peu diminué. Heureusement, mes collègues m’ont toujours aidé avec enthousiasme et expliqué patiemment leurs expressions.
Sina : La plupart des activités scientifiques se déroulent en français, donc je ne peux pas en profiter.
Yaoyao : Comme les cours sont en français, je n’arrive pas à suivre en classe.
Qu’avez-vous appris sur vous-même par la fréquentation d’une université francophone?
Ayesha : Mes études à l’Université Laval m’ont montré que je sais m’adapter et que je suis résiliente face aux difficultés. Évoluer dans un milieu francophone sans connaître la langue m’a montré l’importance de la persévérance, de la débrouillardise et de l’ouverture à la nouveauté. J’ai appris que je pouvais sortir de ma zone de confort, m’épanouir dans la diversité et trouver des solutions créatives pour surmonter les obstacles. J’ai aussi vu clairement à quel point je suis déterminée à réussir et capable de me développer sur les plans personnel et scolaire dans de nouveaux milieux.
Avez-vous des conseils pour les étudiantes et étudiants qui souhaitent fréquenter une université dont la langue principale n’est pas leur langue maternelle?
Ayesha : Je dirais…
- Préparez-vous : Commencez à apprendre la langue et la culture avant votre arrivée. Même si vous n’avez qu’une base, ça vous aidera beaucoup.
- Profitez des ressources linguistiques : Améliorez vos compétences linguistiques en mettant à profit les cours de langue, les séances de tutorat et les outils de traduction.
- Impliquez-vous : Participez aux activités sur le campus et rencontrez les étudiantes et étudiants du coin pour vous immerger dans la langue et la culture.
- Faites preuve de patience et de persévérance : Ayez conscience qu’il n’est pas toujours facile de s’adapter à un nouveau contexte linguistique. Faites preuve d’indulgence envers vous-même et continuez de persévérer.
- Demandez du soutien : N’hésitez pas à profiter des services de votre établissement, comme les centres d’aide linguistique et les services étudiants, qui vous aideront à surmonter la barrière de la langue.
Sina : Je recommande de vous exercer quotidiennement et d’écouter des balados.
Yaoyao : Si vous en avez l’énergie et le temps, avant votre arrivée, faites de l’apprentissage du français votre priorité. Vous pourrez ainsi réellement vous épanouir et profiter pleinement de votre expérience sur place.
Pour conclure, Ayesha fait remarquer : « Il faut voir les études dans une autre langue comme une occasion d’élargir ses horizons. Chaque nouveau défi permet de développer de nouvelles compétences et de découvrir de nouveaux points de vue. Entretenez votre curiosité, cherchez activement du soutien et célébrez vos réussites, même les plus banales. Non seulement ce périple améliorera-t-il vos compétences universitaires et professionnelles, mais il vous aidera aussi à croître et à mieux comprendre le monde. »
Vous êtes anglophone ou allophone et vous étudiez dans une université francophone? Racontez-nous votre expérience dans les commentaires.
Postes vedettes
- Génie - Professeur adjoint / professeure adjointe (génie civil / géotechnique)Université McGill
- Études autochtones - Professeur ou professeureUniversité Laval
- Médicine - Poste facultaire (santé du rein)Université de Montréal
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Génie - Professeure ou professeur (systèmes intelligents et systèmes cyberphysiques)Université Laval
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