Un professeur de chimie fait le point sur sa décision de démissionner

Dans certains établissements, les professeur.e.s, au lieu de prendre entièrement leur retraite, peuvent garder un lien avec l’université en tant que professeur.e facultaire.

29 avril 2024

En 2006, j’ai décidé de démissionner de mon poste de professeur à l’Université de Calgary. J’utilise le mot « démissionner » plutôt que « prendre ma retraite » parce que l’Université n’avait pas établi l’âge obligatoire de la retraite, et on m’avait conseillé d’envoyer une lettre de démission au rectorat. Cette décision n’a pas été facile, même si j’avais dépassé l’âge où bon nombre de personnes décident de prendre leur retraite, ou en sont forcées.

Heureusement, j’ai pu conserver des liens avec l’Université en assumant un autre titre : professeur facultaire à la Faculté des sciences. Outre les avantages attendus de l’éméritat, un professorat facultaire me permettait de garder un espace de laboratoire et un bureau, et facilitait l’abandon de mon poste salarié. En tant que scientifique profitant d’un financement de recherche, je pouvais continuer mes travaux, y compris le mentorat d’étudiant.e.s aux cycles supérieurs et au postdoctorat. Comme mon épouse me l’avait fait remarquer à l’époque, « c’est pour toi un mode de vie plutôt qu’un emploi ». Je pouvais donc quitter en théorie mon emploi, sans délaisser mon mode de vie. Dix-huit ans plus tard, à l’occasion de la Décennie des Nations Unies pour le vieillissement en bonne santé, certaines réflexions qui ont éclairé ma décision pourraient être utiles à d’autres personnes confrontées à une situation similaire.

Pour bien vieillir, il ne suffit pas de prendre soin de notre santé mentale et physique : nous devons aussi prendre part à des activités gratifiantes, qu’elles soient nouvelles pour nous ou non. Ce fut relativement facile d’atteindre ces objectifs en tant que professeur facultaire. Pour ce qui est du travail intellectuel, j’ai pu consacrer le temps auparavant occupé par l’enseignement au premier cycle et le travail en comité à l’écriture de mon deuxième ouvrage et, pendant la première année de la pandémie, à la mise à jour de mon premier ouvrage. J’ai aussi pu continuer à publier des articles scientifiques et à collaborer avec divers auteur.trice.s, ainsi qu’à réviser un vaste éventail de revues scientifiques, ce qui me tient au courant des avancées dans ma discipline. L’effet synergique de l’enseignement, je le retrouve à l’occasion en tant que professeur invité dans des cours de premier cycle, et quand on me convie à donner des formations postdoctorales dans des établissements du Royaume-Uni et d’Europe, et des présentations dans des congrès internationaux.

Comme je décide moi-même de mon horaire, j’ai pu découvrir d’autres aspects de ma discipline, notamment en donnant des conseils spécialisés et en servant de témoin expert dans trois affaires judiciaires fort différentes. Étrangement, j’avais encore plus de craintes à l’idée d’assumer ce dernier rôle que j’en avais la première fois où j’ai donné un cours de chimie à une classe d’étudiant.e.s de première année en génie. Le rôle de professeur facultaire donne naturellement lieu à des interactions sociales. Une visite du campus suffit à m’énergiser, étant donné le dynamisme contagieux des étudiant.e.s que je croise en me rendant au bureau. Je poursuis mes activités de mentorat, par l’intermédiaire de discussions informelles de recherche avec des étudiant.e.s aux cycles supérieurs et de l’offre de conseils à de jeunes professeur.e.s pour des demande de subventions. En tant que membre d’un comité universitaire, j’ai par ailleurs pu contribuer au processus de sélection de nominations pour des prix majeurs. L’Association des universitaires à la retraite de l’Université de Calgary facilite les interactions avec les collègues d’autres disciplines, notamment en organisant des discussions mensuelles enrichissantes qui nous tiennent au fait des activités savantes ayant lieu sur le campus. J’ai également eu le privilège de dialoguer avec des étudiant.e.s aux cycles supérieurs dans diverses disciplines en tant que membre du comité consultatif externe du Regroupement des étudiant.e.s aux cycles supérieurs. Les membres de ce Regroupement souhaitent discuter avec des pairs d’autres disciplines, et sont choisi.e.s au terme d’un processus concurrentiel.

En somme, je ne regrette pas ma décision de démissionner il y a 18 ans. Si mes capacités mentales et physiques le permettent, je prévois pour l’instant continuer d’assumer mon rôle de bénévole universitaire à temps partiel (qui suppose du travail scientifique et du mentorat non rémunérés) à l’Université de Calgary.

La rédaction de cet article a été inspirée par le balado Wrinkle Radio, qui est animé par Sally Chivers (la fille de M. Chivers), et qui a pour sous-titre « Pas de panique, ce n’est que le vieillissement! » Sally a été directrice du Centre pour le vieillissement et la société de l’Université Trent.

Tristram Chivers a démissionné de son poste au Département de chimie de l’Université de Calgary il y a 18 ans. Il a assumé le rôle de professeur facultaire de 2006 à 2018 et poursuit maintenant ses activités scientifiques en tant que professeur émérite. Membre de la Société royale du Canada, il a été président de l’Association des universitaires à la retraite de l’Université de Calgary. Il a reçu plusieurs prix d’excellence en enseignement, que ce soit au premier cycle ou aux cycles supérieurs, et ses contributions extraordinaires à la recherche lui ont valu une réputation enviable à l’échelle provinciale, nationale et internationale.

This site is registered on wpml.org as a development site. Switch to a production site key to remove this banner.