Les ramifications complexes des nouveaux règlements sur les étudiantes et étudiants étrangers au Québec
Autrefois panacée, les étudiantes et étudiants étrangers sont désormais vus comme un problème.
Au cours des dernières années, les politiques d’immigration au Canada ont causé bien de la confusion et de la précarité pour les étudiantes et étudiants étrangers, particulièrement au Québec. La saga a eu d’importantes répercussions sur la réputation de la province et du pays comme destinations d’études, de même que sur le secteur de l’enseignement supérieur en général. Malheureusement, on comprend mal l’interaction entre les politiques fédérales et provinciales à cet égard – et leurs ramifications sont de plus en plus opaques.
La croissance de la résidence temporaire au Canada et au Québec
Les étudiantes et étudiants étrangers et leur famille ont contribué pour beaucoup à la récente croissance fulgurante de la population canadienne, la plus importante depuis 1957. Le gouvernement fédéral en a donc fait une cible privilégiée dans ses efforts pour limiter l’obtention de la résidence temporaire. Cette année, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a imposé une limite au nombre de permis d’études octroyés, augmenté les exigences relatives au coût de la vie et restreint l’accès au permis de travail postdiplôme et ouvert aux partenaires. Autrefois immigrantes et immigrants « idéaux » et prisés, les étudiantes et étudiants étrangers se voient désormais triés sur le volet; depuis 2024, peu peuvent entrer au pays et y rester.
La situation est encore plus complexe au Québec. La province a elle aussi connu une croissance démographique historique – quoiqu’inférieure au reste du Canada – en 2022 et 2023. Mais depuis l’élection de la Coalition Avenir Québec (CAQ) en 2018, l’immigration y est plus politisée que jamais. En effet, le gouvernement caquiste n’hésite pas à présenter l’immigration comme une menace pour l’identité et la langue québécoises, tout en affirmant paradoxalement que le contrôle des seuils et la sélection des profils représentent une solution potentielle. Pour contrer cette apparente menace existentielle, le gouvernement a serré la vis à l’immigration, en particulier aux étudiantes et étudiants étrangers.
Les particularités du modèle de gouvernance de la mobilité étudiante au Québec
L’immigration est depuis longtemps une responsabilité partagée des gouvernements provinciaux et fédéral du Canada. En raison de l’Accord Canada-Québec négocié en 1991, la province a toutefois davantage de pouvoirs que les autres en la matière : elle peut établir ses propres seuils d’immigration et critères de sélection. Ainsi, toutes les demandes de résidence permanente dans la catégorie économique devront d’abord être acceptées au provincial avant de pouvoir être présentées au fédéral. Le Québec exerce également un certain pouvoir sur une part notable des permis de résidence temporaire, notamment les étudiantes et étudiants étrangers.
Par conséquent, les personnes qui souhaitent y étudier doivent d’abord être acceptées par la province avant de présenter une demande au gouvernement fédéral. Et si elles souhaitent s’y établir après avoir obtenu leur diplôme, c’est pareil; beaucoup profitent par exemple d’un programme de résidence permanente accéléré réservé (volet Diplômés du Québec du Programme de l’expérience québécoise, ou PEQ).
Portrait de la situation depuis l’arrivée au pouvoir de la CAQ
Jusqu’à l’élection de la CAQ en 2018, le Canada et le Québec avaient des objectifs relativement similaires tant pour la résidence temporaire que permanente. Ce n’est plus le cas. Pour le gouvernement québécois, les étudiantes et étudiants étrangers représentent désormais à la fois une menace et une solution au « déclin du français » – tout comme les autres catégories d’immigration temporaire. C’est toutefois ce groupe que les politiques contradictoires de la CAQ ciblent le plus.
Dans l’optique de réduire les seuils d’immigration permanente alors que les demandes au volet Diplômés du PEQ ne cessent d’augmenter, le gouvernement caquiste a resserré les critères de sélection du programme en 2019 et 2020, rendant le processus plus long et complexe. Puis, en 2023, la CAQ est revenue sans crier gare à ses anciens critères de sélection – en y ajoutant toutefois une condition supplémentaire : l’obligation d’étudier dans un établissement francophone. Ces volte-face sont le reflet d’un manque de préparation et d’une indécision évidente quant à la gestion d’une population étudiante étrangère croissante, dont une bonne partie souhaite demeurer au Québec après l’obtention du diplôme.
Au départ, ces réformes ne visaient pas explicitement à réduire le nombre d’étudiantes et étudiants étrangers au Québec – même si, en pratique, elles y contribuaient. L’objectif était strictement de leur restreindre l’accès à la résidence permanente. Récemment, toutefois, avec l’essor de ce groupe de population, le lien entre immigration temporaire et permanente est devenu plus explicite. En octobre 2024, le gouvernement québécois a présenté un projet de loi pour limiter la venue d’étudiantes et étudiants étrangers; le mois suivant, la province suspendait le volet Diplômés du PEQ.
Répercussions sur les étudiantes et étudiants étrangers au Québec
La succession des réformes provinciales a entraîné une instabilité et une incertitude pour les personnes de l’étranger qui étudient ou souhaitent étudier au Québec. Elle a également un effet disproportionné sur certains établissements, notamment les établissements anglophones, que Québec a récemment ciblés pour « protéger la langue française ». Mais ce n’est pas tout : la situation est compliquée par les politiques fédérales visant les étudiantes et étudiants étrangers, notamment le plafond des permis d’études et ses restrictions connexes. Ce groupe de population est donc appelé à diminuer au Québec comme au Canada.
Pour les personnes qui étudient actuellement au Québec, les changements aux deux paliers de gouvernement risquent d’entraîner de la précarité. L’augmentation des exigences de capacité financière complique les renouvellements de permis d’études, et le durcissement des critères d’admission pour les permis de travail postdiplômes et ouverts aux partenaires pourrait entraîner dans plusieurs cas la perte du statut de résidence au Canada. Pis encore : les personnes qui souhaitent s’établir dans la province et obtenir la résidence permanente après leurs études pourraient voir leur statut temporaire menacé durant le processus de demande. Il ne serait donc pas surprenant que les étudiantes et étudiants étrangers parlant français préfèrent immigrer dans une autre province, où la résidence permanente est activement facilitée pour les francophones.
Par ailleurs, les personnes qui envisageaient d’étudier au Québec pourraient décider que cette destination est trop imprévisible, et donc risquée. Les francophones de l’étranger risquent de se tourner vers d’autres provinces qui, conformément à ce que souhaite le fédéral, s’emploient activement à les attirer. Toutefois, avec les mesures générales imposées par le Canada et le Québec pour limiter la venue d’étudiantes et d’étudiants étrangers, comment faire la part des choses?
De solution à problème
Autrefois la solution à de nombreux problèmes (notamment la pénurie de main-d’œuvre), les étudiantes et étudiants étrangers sont désormais vus comme un problème. Les deux gouvernements ne semblent pas se décider sur leur statut : immigrantes et immigrants idéaux, ou population à l’utilité discutable? Cette hésitation est à l’origine de politiques contradictoires et indécises qui font de ce groupe des marionnettes manipulées au gré des besoins nationaux.
Il est difficile de prévoir la réaction à long terme des francophones de l’étranger qui étudient ou souhaitent étudier au Québec à ces politiques. Une chose est cependant certaine : elles auront un coût humain, non seulement parce qu’elles compliquent les choses, mais aussi parce qu’elles suscitent de la précarité et un sentiment de trahison et d’exclusion chez celles et ceux qui ont « joué le jeu » sans rien y gagner.
Postes vedettes
- Psychologie - Professeure ou professeur (enjeux socio-environnementaux, section sociale et personalité)Université du Québec à Montréal
- Génie - Professeur adjoint / professeure adjointe (génie civil / géotechnique)Université McGill
- Médicine - Poste facultaire (santé du rein)Université de Montréal
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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